2014年12月18日木曜日

「〈百年の愚行〉は、まさしく百年前、1914年頃に始まった。...」『続・百年の愚行』、小崎哲哉(編著)




ベルナール・スティグレール(石田英敬 訳)

 〈百年の愚行〉は、まさしく百年前、1914年頃に始まった。

 ヨーロッパでは第一次世界大戦が、一千万の兵士を殺戮した。ポール・ヴァレリーやエドムント・フッサールが強調したように、この世界戦争は科学を死の役に立てる産業戦でもあった。ベルギー及びフランスの一部は破壊され、ドイツではナチズム、イタリアではファシズム、ロシアではスターリニズムの起源となるような歴史的な動きを引き起こした。

 アメリカでは、労働の科学的な組織化が実行され、生産者のプロレタリア化を極限にまで推し進めた。20世紀初頭には長編映画が生まれ、第一次世界大戦前に開発されたラジオが1920年から放送を開始し、その後はテレビ放送が始まる。こうした文化産業の発達が消費者のプロレタリア化を推し進める。商品開発のリサーチ・オフィスが生産者から〈作る知(すべ)〉を奪うのと並行して、マーケティング・オフィスは消費者たちに〈生きる知(すべ)〉を指図するようになり、消費者は広告の指示する消費行動を模倣するようになる。いる。アドルノとホルクハイマーの『啓蒙の弁証法』は、そこに近代的「合理化」の本質を見いだすことになるだろう。近代の「啓蒙(Aufklärung)」が生み出した〈理性〉は、もはや大量生産される〈愚かさ〉へと変質したのである。

 21世紀初頭の現在では、暗雲が嵐を告げるがごとく、さらなるアポカリプス(黙示録)が告知されているかのようだ。プロレタリア化はさらに徹底されて、破滅的な段階に達している。それこそ、トマ・ベルンとアントワネット・ルーヴロワが「アルゴリズム的統治性」と呼ぶ、「ビッグ・データ」による統治として具体化したものである。それはまた、ジョナサン・クレーリーが描き出す、週七日二四時間私たちをコンピュータネットワークに繋ぎっぱなしの状態にしておく、ネットワーク状かつ純粋計算論的な資本主義として繰り広げられる統治である。
 その結果、私たちは眠りを妨げられる。夢見ることもできず、遂には思考することさえ妨げられる。この資本主義の原理は、マッツ・アルヴェソンとアンドレ・スパイサーが「機能性愚鈍(functional stupidity)」という言葉で描き出したものだ。ロンドンの金融街、また、おそらく日本の東電の中枢部に働いているのは、このような機能性愚鈍の原理である。

 『Wired』誌編集長クリス・アンダーソンは2008年に挑発的なタイトルの記事を発表した。「理論の終わり:データの洪水は科学的方法を過去のものとする。」だ。グーグルが確率論的数学を世界中のあらゆる言語表現に適用するさまを分析してみれば、アルゴリズムが言語を活用するためには、言語学者も言語理論ももはや要らないことが分かると主張するのである。彼が導き出した結論とは、デジタルなアルゴリズム計算が、科学的実験や科学的仮説、定理、モデルに取って代わり、科学を終わらせることになるだろうというものだった。しかし、フレデリック・カプランが指摘したように、彼が忘れていたのは、そのような言語の活用の仕方が行き着くのは言語自体の破壊であって、言語のエントロピーが増大してしまうだけだという事実である。

 2008年10月23日、ワシントンではアメリカ下院議会が、米FRB(連邦準備制度理事会)議長アラン・グリーンスパンに対し、FRBのいい加減な運営が導いた金融破局について説明を求めた。このとき、ノーベル賞受賞者を含む多数の経済学者たちが推奨した市場の自動化こそ、金融工学の粋を集めて作り上げたシステムにおける、完璧なる〈知性の不在〉の原因だったのだと彼は述べた。これこそ、「機能性愚鈍」が、グリーンスパンその人にまで及び、すでに1848年にマルクスとエンゲルスがすべての給与生活者がやがてはそうなると予言したように、FRB議長までもがプロレタリア化したことを示しているのである。

 以上の二つの事例は、いかなる意味で、アルゴリズム的統治性が不可避的に精神のプロレタリア化を生みだし、あらゆる知、それが、〈作る知(すべ)〉であれ、〈生きる知(すべ)〉であれ、〈思考する知(すべ)〉であれ、あらゆる知を破壊するものであるかを示している。

 では、世界はこの百年の愚行を、無限にとは言わずとも、世界の自己破壊にいたるまで継続するよう宿命づけられているというのか。別の未来はありうるのだろうか。惑星規模のデジタルなネットワーク化が辿り着いた統合的で全体化した自動化のプロセスにおいて、今後、新たな出発はありうるのだろうか。
(以下は、本書をお読みください。)

2014年12月5日金曜日

Hidetaka Ishida “Grammatisation technologique et appareil psychique: l’iPad, le Wunderblock, la Hybrid Reading”, ENMI 2014, 5 Decembre 2014, Centre Pompidou, Paris France

Grammatisation technologique et Appareil psychique 

Le iPad , le Wunderblock et la Hybrid reading

Par Hidetaka Ishida

C’est un grand plaisir que d’être ici de nouveau parmi vous pour nous réunir à la huitième édition du congrès annuel d’ ENMI : j’y ai participé par le passé deux fois, c’est toujours agréable de voir que les idées nouvelles et innovantes s’échangent et que les convergences se dessinent et que les projets se forment. Je suis vraiment heureux d’être ici de nouveau .

Ce matin, j’ai un petit problème de rhume et je ne suis pas sûr de pouvoir articuler bien les paroles, j’ai un peu perdu de ma voix et je vous prie de m’excuser si je ne me fais pas bien entendre. Mon débit de parole risque d’être un peu lent.

Ce matin, mon propos tournera autour des trois axes : la question de l’interface numérique que forment les réseaux d’ordinateurs portatifs du type iPad ; la question de l’appareillage psychique dans leur rôle de modélisation -- ou de grammatisation -- de la psychée humaine ; et la question de lecture aujourd’hui de plus en plus biface, que j’appelle lecture hybride à la fois du livre physique et du livre numérique. Si les réseaux de terminaux numériques grammatise de plus en plus l’ensemble d’âmes humaines et que la psyché s’interroge dans cet appareillage technologique, cette problématique d’interface numérique en réseaux pénètre aujourd’hui dans le cœur même de la question du livre, livre comme élément par excellence de la vérite, c’est par là que je voudrais rejoindre le thème commun de cette année « la ‘ vérité’ du numérique ».

Mon topos prolonge sur son versant théorique mon travail sur la pensée critique du vingtième siècle, pensée des média ; comment relire Saussure,  Freud,  Huserl, etc. grands ingénieurs de la pensée humaine ; tandis que  le versant pratique reflète mon projet de bibliothèque, comment réaliser une hybrid library du 21 ème siècle à l’université.

Que le livre se numérise, signifie beaucoup plus que n’importe quelle numérisation des outils analogiques ; la numérisation du livre est tout autre chose que le traitement de texte sur la base du Natural language processing. Elle touche le cœur même de la question de vérité. Nous le savions bien sûr depuis longtemps, mais je ne suis pas sûr qu’on en ait tiré toutes les conséquences.


Comme le temps est limité, voici l’itinéraire que je vous propose. Pour soulever la question de l’appareillage psychique, je vais reprendre la question de  l’appareil psychique freudien à travers la lecture de sa fameuse note sur le Wunderblock. Cette lecture je l’ai déjà présentée virtuellement par skype – par téléprésence --  cet été à l’Académie d’été de l’Ecole d’été d’Epineuil : je la reprends en augmentant de ma présence « réelle » ici c’est mieux je pense.
Ensuite, je vais entrer dans le problème de la numérisation du livre et de la lecture hybride. Cela pour souligner l’importance de la formation d’un nouveau milieu de écriture-lecture , que j’appelle « Augmented Reading », milieu requis  pour ne pas simplement abandonner les livres à l’augmentation entropique d’information pour employer le terme de Bernard.

Je projette les citations pour ne pas les lire intégralement pour que vous puissiez les situer dans le contexte.



1  Retour à Freud

   De nos jours, nous nous servons de plus en plus d’ordinateur de type tablette comme le macintosh i-Pad, qui présente une étrange similitude avec l’outil d’écriture décrit par Sigmund Freud dans son fameux petit texte de 1925  « Note sur le ‘ Bloc magique’ »( « Notiz über den ‘Wunderblock’ ») : le nom en anglais du Wunderblock est le « magic pad ». Ce parallèle entre l’i Pad et le magic Pad, me semble particulièrement intéressant,  car si les i-Pad sont devenus  nos outils quotidiens –  notre « prothèse d’âme » en quelque sorte  -- , Freud avait élu le bloc magique comme modèle pour illustrer sa conception de l’appareil psychique  (seelischer Apparat) . 

   Je vous livre mes réflexions sur cette implication d’appareillage informatique de notre vie contemporaine en rapport avec notre vie psychique en retraçant l’évolution théorique de la conception de l’appareil psychique  -- il en est de sa théorie de la topique  -- chez Freud tout au long de son œuvre.
   Je considère Freud non comme un penseur abstrait ; il est davantage un ingénieur de l’âme humaine. La réflexion que je vous livre aujourd’hui fait partie d’un travail qui tente de montrer que contrairement à ce que disait Dr. Jacques Lacan, l’Inconscient n’est pas structuré comme un langage, mais qu’il l’est comme un cinématographe : il est graphique – grammatologique --  et technologique. Ce point me semble important pour penser la question de la vérité, nous sommes devant l’alternative : langage et vérité vs. gramma et vérité.

1  Le « Bloc magique » (1925)

   D’abord, voyons un peu ce que dit Freud du bloc magique.
   Pour une économie du temps, je ne lirai pas l’intégralité des passages que j’aurais voulu citer ; je revoie aux citations que je projette sur l’écran.

    Freud compare cet outil d’aide mémoire appelé le blog magique à sa conception de l’appareil psychique («… si on l’examine de plus près, on trouve dans sa construction une concordance remarquable avec la façon dont j’ai supposé qu’est édifié notre appareil de perception »).
    Il dit ceci. Sur la note de papier on peut écrire mais ne peut effacer la surface pour une nouvelle écriture. Su la tablette d’ardoise, on peut effacer l’écriture mais on ne peut garder les traces. Il y a une incompatibilité entre inscription renouvelable et enregistrement indéfini : entre la perception (ou conscience) et la mémoire. Freud rappelle sa distinction du système « Perception-Conscience(Pc-Cs) » et des « traces mnésiques » dans son Interprétation des rêves (Die Traumdeutung 1900), nous allons revenir à cet ouvrage plus loin.
    Or c’est justement un système rendant possibles les deux que Freud découvre dans ce « petit instrument » appelé « bloc magique » :

Mais si on l’examine de plus près, on trouve dans sa construction une concordance remarquable avec la façon dont j’ai supposé qu’est édifié notre appareil de perception, et on se convainc qu’il peut effectivement fournir les deux choses, une surface de réception toujours prête et des traces permanentes des notations reçues.

Le bloc magique est muni d’une « plaque de celluloïd transparent » qui sert de « pare-stimulus » ; la vraie « couche réceptrice de stimulus » se trouve juste au dessous du celluloïd, qu’est le « papier ciré mince, translucide » :

  Le celluloïd est un « pare-stimulus ». La couche qui est à proprement parler réceptrice de stimulus est le papier. Je me permets ici de faire référence au fait que, dans l’ « au-delà du principe du plaisir », j’ai exposé que notre appareil de perception animique se compose de deux couches, un « pare-stimulus » externe qui doit abaisser la grandeur des excitations qui arrivent et, à l’arrière, la surface supérieure réceptrice de stimulus, le système Pc-Cs.

Ces deux couches de surfaces sont, pense Freud, exactement comme le système « Perception-Conscience » ; depuis son Esquisse d’une psychologie (Entwurf einer Psychologie 1895), la psyché humaine (le système Ψ)  chez Freud se définit en se déchargeant de la quantité d’énergie Q du monde extérieur ; c’est seulement la quantité d’énergie réduite Qηqui peut être investie dans le psychisme ; la perception se fait par les neurones φ, la conscience par lesω, toutes les deux perméables, tandis que les traces mnésiques se constituent de neurones ψ imperméables  (nous allons parler tout à l’heure de «barrières de contact » et de « frayage ») . C’est l’appareil φψω, la première ébauche de l’appareil psychique. 
   La tablette de cire constituant le fond du bloc magique où vont se déposer les traces d’écritures est comparée à l’« Inconscient » :

Le bloc magique ne peut pas non plus, de toute façon, « reproduire » de l’intérieur l’écriture, une fois celle-ci effacée : ce serait effectivement un bloc magique s’il pouvait accomplir cela comme notre mémoire. Il n’empêche qu’il ne me paraît actuellement pas trop osé de mettre en équivalence la feuille de couverture consistant en celluloïd en papier ciré avec le système Pc-Cs et son pare-stimulus, la tablette de cire avec l’inconscient à l’arrière, le fait que l’écriture devienne visible et qu’elle disparaisse avec le fait que s’illumine et se dissipe la conscience dans la perception.

   Freud écrit que « Le bloc magique ne peut pas non plus, de toute façon, « reproduire » de l’intérieur l’écriture, une fois celle-ci effacée : ce serait effectivement un bloc magique s’il pouvait accomplir cela comme notre mémoire. ». Or justement si c’était un iPad, il serait possible de réactualiser les mémoires ; si bien que l’iPad serait en fait une forme achevée du bloc magique selon le modèle de l’appareil psychique freudien.

   Et Freud d’ajouter que la périodicité des gestes de détachement de la feuille de couverture pourrait être comparée avec la discontinuité du flux d’innervation venant de l’intérieur de l’organisme du corps. Cette remarque finale montre qu’il y voit aussi une dimension permettant d’illustrer l’instance du Ca qu’il avait déjà introduite dans sa deuxième topique avec le Moi et le Ca (Das ich und das Es 1923)

Si l’on s’imagine que pendant qu’une main écrit à la surface du bloc magique, une autre détache périodiquement de la tablette de cire la feuille de couverture, on aurait là une façon de rendre sensible la manière dont j’ai voulu représenter le fonctionnement de notre appareil de perception animique.

   J’ai synthétisé la conception de l’appareil psychique que Freud tente d’expliquer à l’aide du bloc magique dans les slides 1 et 2.

   Si je compare le bloc magique freudien avec l’iPad, je dirais seulement ceci :  l’iPad tout en renouvelant constamment notre Perception-Conscience, en liaison permanente avec les réseaux, enregistre et conserve toutes les traces ; il est capable aussi de les réactualiser toutes. Cela veut dire que notre appareil psychique est en interface avec ce véritable bloc magique. Notre Pr-Cs – notre rétention -- est en interface avec cette surface communicationnelle qui est renouvelable à tout instant (notre prothèse de présence) ; notre mémoire est assistée par la machine de mémoire tierce ; notre inconscient est traversé de part en part par cet inconscient technique, sans parler de la question d’énergie.

(La raison pour laquelle l’iPad permet à la fois l’inscription indéfiniment renouvelable de stimulus de perception et l’accumulation indéfinie de traces mnésiques consiste en signalisation électronique numérique des caractères. Les lettres s’effacent et se conservent par signalisation, c’est un aboutissement de la logique de traces , d’archi-trace, enfin implémentée dans cet appareil numérique. Mais de là, découle une crise profonde de l’homme comme finitude, l’homme commence à ne pas pouvoir oublier, nous sommes tous en train de devenir un Funès borgesien ! ).


2 L’Interprétation des rêves (Die Traumdeutung 1900)

   Dans la « Note sur le ‘bloc magique’ », Freud citait l’appareil psychique de la Traumdeutung (p.120). 
   En effet, Freud avait présenté son premier appareil psychique (appareil animique) – la « première topique », dans le chapitre VII « Sur la psychologie des processus de rêve » du livre.
   Le schéma n’est pas en fait fondamentalement différent de celui du bloc magique.
    Freud adopte  en apparence la métaphore optique – les système de lentilles de la longue-vue --  pour expliquer le schéma :

    Nous nous représentons donc l’appareil animique comme un instrument composé dont nous appellerons les parties constituantes instances, ou pour mieux visualiser, systèmes. Nous nous attendons alors à ce que ces systèmes aient peut-être l’un par rapport à l’autre une orientation spatiale constante, un peu comme les divers systèmes de lentilles de la longue-vue se trouvent les uns derrière les autres. (p.590)

  Cette première topique freudienne est bien connue : elle illustre selon les trois schémas comment la psyché appelée « Systèmes Ψ » se constitue à partir de la perception (W/Pr) en formant les « traces mnésiques » (Er, Er’, …/S, S’, …) .
   Freud vient d’abandonner depuis peu son projet neurologique, c’est pour cela qu’il recourt à la métaphore optique et spatiale, mais derrière cela subsiste encore l’hypothèse neurologique et il faut lire les implications neurologiques.


1      Les schéma d’ un « appareil réflexe » :

Le processus psychique se déroule en général de l’extrémité-perception à l’extrémité-motilité. (p.590)

2      Les schéma montrant la formation des  « traces mnésiques » ou « mémoire » .

Il reste dans notre appareil psychique une trace que nous pouvons appeler « trace mnésique ». La fonction qui se rapporte à cette trace mnésique, c’est elle que nous appelons « mémoire ».
….
Le fait de l’association consiste en ceci que par suite d’amoindrissements de la résistance et de frayages de l’un des éléments S, l’excitation se propage plutôt vers un deuxième que vers un troisième élément S. (p.592)
  

Nous savons que derrière cette figuration selon un modèle optique, il y a une considération neurologique telle qu’il avait essayé de la formuler dans le Esquisse d’une psychologie (Entwurf einer Psychologie 1895). Freud y introduisait bien la théorie des neurones : les barrières de contact et des frayages est une théorie de synapse en termes d’aujourd’hui.  Ces frayages (Bahnung) sont représentés dans les schémas par un rapprochement des traces mnésiques au courant de stimulus, tandis que les neurones ψ frayées sont investies d’énergie Qη, si l’on réinvesti les concepts théoriques qui avaient été élaborés dans l’Esquisse de 1895.
   Remarquons en passant que les différentes éditions de la Traumdeutung n’ont pas toujours fidèlement reproduit les schémas de Freud.


説明: Macintosh HD:Users:nulptyx:Desktop:新しい記号の学(作業中):SigmudFreudについて資料集:fig1.png
φ
ψ
説明: Macintosh HD:Users:nulptyx:Desktop:fig3.png説明: Macintosh HD:Users:nulptyx:Desktop:新しい記号の学(作業中):SigmudFreudについて資料集:fig2.png





          
3      La « Perception-Conscience W-Bw » /« l’Inconscient Ubw» / « le Préconscient Vbw »

    A l’extrémité motrice du processus est assigné le système Pcs.
    Dans la lettre à Fliess de 1896, Freud écrivait :  « Le Préconscient est la troisième transcription liée aux représentations verbales et correspondant à notre moi officiel. Les investissements découlant de ce Préconscient deviennent conscients d’après certaines lois. Cette conscience cogitative secondaire, qui apparaît plus tardivement, est probablement liée à la réactivation hallucinatoire de représentations verbales ; ainsi les neurones de l’état conscient seraient là encore des neurones de perceptions et en eux-mêmes étrangers à la mémoire. » (Lettre No 52 du 6-12-1896).

    Chez Freud, le langage est conceptualisé comme représentation de mot (Wortvorstellung) qui est essentiellement acoustique, dont l’articulation est active et quasi-motrice. C’est donner du mouvement articulatoire à l’image sonore, auquel se trouvera associée la représentation de chose (Dingvorstellung ou la représentation d’objet dans la terminologie de son étude sur l’Aphasie de 1891).
    C’est ainsi que la verbalisation devient un moment de prise de conscience en rejoignant au second degré la Perception --Conscience. Ainsi parvenus au système Pcs et investis d’ énergie d’attention et associés avec les mots, les éléments de traces mnésiques peuvent accéder à la « conscience cogitative ».  Le processus Ψ se trouve bouclé, la verbalisation sera bien un retour réflexif à la Pr-Cs.

Le dernier des systèmes, à l’extrémité motrice, nous l’appelons le préconscient pour indiquer que les processus d’excitation en lui peuvent parvenir à la conscience sans être davantage empêchées, au cas où sont encore remplies certaines conditions, par ex. le fait d’atteindre une certaine intensité, une certaine répartition de cette fonction qu’il faut appeler attention, etc. C’est en même temps le système qui détient les clés de la motilité volontaire. Le système se trouvant derrière, nous l’appelons l’inconscient parce qu’il n’a pas accès à la conscience, sauf à passer par le préconscient , passage lors duquel son processus d’excitation doit accepter de subir des modifications.
(Note ajoutée en 1919) L’explication ultérieure de ce schéma, ici déroulé linénairement, devra tenir compte de l’hypothèse que le système qui suit le Pcs est celui auquel nous devons attribuer la conscience, et que donc Pc=Cs. (pp.594-595)

    Freud dit que jusqu’au système Inconscient, c’est le processus primaire qui règne dans les associations, et à partir du Préconscient le processus secondaire.  Cela veut dire que jusqu’au système Inconscient, c’est la représentation de chose, qui « consiste en un investissement, sinon d’images mnésiques directes de la chose, du moins en celui de traces mnésiques plus éloignées, dérivées de celles-ci » (« L’Inconscient », 1915), avec le Préconscient, la représentation de chose se conjugue avec la représentation de mot (c’est-à-dire, le langage verbal au sens de Freud) .

   Nous pouvons remarquer ici que contrairement à chez Lacan, pour Freud, l’Inconscient n’est pas structuré comme un langage. La représentation de chose est plutôt de l’assemblage polyvalente d’images sensorielles et visuelles. Pour les frayages de traces mnésiques du processus Ψ Freud écrit :

   Une étude plus approfondie montre la nécessité de faire l’hypothèse non pas d’un, mais de plusieurs de ces éléments S (Er) dans lesquels la même excitation propagée par les éléments Pc connaît diverses sortes de fixation. Le premier de ces systèmes S contiendra en tout cas la fixation de l’association par simultanéité : dans les systèmes se trouvant plus loin, le même matériel d’excitation sera ordonné suivant d’autres sortes de conjonction, si bien que, par exemple, des relations de ressemblances, etc. , seraient présentées par ces systèmes ultérieurs. Il serait naturellement oiseux de vouloir indiquer par mots la signification psychique d’un tel système. La caractéristique de celui-ci résiderait dans l’intimité de ses relations avec des éléments du matériel mnésique brut, c.-à-d., si nous voulons renvoyer à une théorie allant plus en profondeur, dans les gradations de la résistances de conduction en direction de ces éléments. (p.502)

   Le premier système de traces mnésiques se définit par la simultanéité des éléments de la perception. ; le deuxième et ceux qui se suivent se définissent par les ressemblances, etc. , et puis par «  l’intimité des relations avec des éléments du matériel mnésique brut » , etc.
    Dans la métaphore théorique expliquant la stratification des traces mnésiques, Freud comparait celles-ci aux « divers systèmes de lentilles de la longue-vue » : tout se passe comme si cet appareil --  métaphoriquement optique, métapsychologiquement psychique et secrètement « neuronal »  --  procédait aux prises successives de la représentation de chose dans l’Inconscient avant que le processus ne soit doublé au terminal Préconscient de la représentation de mot. Le procès est donc – pourrait-on dire --  cinématographique. Il y a des successions de morceaux de prises de vues -- des shots -- et multiples conjonctions en latences. Et avec le Préconscient, cette représentation de chose sera doublée de représentation de mot du langage, un scénario viendra articuler des récits cinématographiques en rationalisant mais en laissant toujours déjà les non-dits, censures et les refoulements. L’Inconscient est structuré comme une cinématographie. C’est à mon sens ce que révèle notre Retour à Freud
    C’est d’ailleurs pour cela que lorsque dans le sommeil, la jonction avec la motilité est débranchée et que la machine est mise en marche inverse, l’appareil psychique se met à faire le processus « régrédient »  -- c’est le « processus de rêve » selon Freud -- et à faire la projection hallucinatoire des « images » sur l’écran du rêve.

Ce qui se passe dans le rêve hallucinatoire, nous ne pouvons le décrire qu’en disant : l’excitation prend une voie rétrograde. Au lieu de se propager ver l’extrémité motrice de l’appareil, elle se propage vers l’extrémité sensitive et parvient finalement au système des perceptions . Si nous appelons progrédiente la direction dans laquelle le processus psychique se prolonge, à partir de l’inconscient dans l’état de veille, nous sommes en droit de dire du rêve qu’il a un caractère régrédient. (p.595)

De jour, il y a un courant continu s’écoulant du système Ψ de la Pc jusqu’à la motilité ; celui-ci cesse la nuit et ne pourrait plus opposer d’obstacle à un reflux d’excitation. (p. 597)


3.  Le Moi et le Ca (Das Ich und das Es 1923)


   De la première topique dans la Traumdeutung, à la deuxième topique, je n’aurais pas le temps de développer intégralement mon propos aujourd’hui.
   Comme on le sait, c’est dans le Moi et le Ca (Das Ich und Das Es)  que Freud introduit sa deuxième topique avec le système « le Moi, le Ca et le Surmoi ». Contrairement à la lecture classique, j’aurais tendance à nuancer la rupture de la deuxième topique avec la première topique de la Traumdeutung. D’ailleurs, cet écrit est tout à fait contemporain de la Note sur le bloc magique (1925).
    Le schéma de l’appareil psychique a conservé la fonction Pc-Cs ; Freud a ajouté le Pcs en continuïté avec la « calotte acoustique » à l’hémisphère gauche ; les traces mnésiques sont dessinées sans être nommées dans le Moi, c’est-à-dire le système Ψ ; le refoulement est figuré alors que l’Inconscient n’est pas nommé, tandis que le Ca s’introduit pour marque l’instance de source d’excitation interne qui en tant que instance de force psychique existait en fait déjà depuis l’époque de l’Esquisse. 

    
    Ce qui m’intrigue dans ce dessin figurant vaguement le cerveau humain avec le contour cortical c’est la « calotte auditive », le fameux hearing hat de Freud :

Nous reconnaissons  aussitôt que presque toues les partitions que nous avons décrites à l’intention de la pathologie ne se rapportant qu’aux strates superficielles – les seuls qui nous soient connues – de l’appareil animique. Nous pourrions esquisser de ces rapports un dessin dont les contours ne servent assurément qu’à la présentation et ne doivent prétendre à aucune interprétation particulière. Ajoutons éventuellement que le moi porte une « calotte auditive », d’après le témoignage de l’anatomie cérébrale, seulement sur un côté. Elle est pour ainsi dire posée sur lui de travers. (p.269)

Que cette  « calotte auditive » (qui renverrait à l’aire Wernicke) soit dessinée sur la ligne de continuité du Pcs montre qu’il s’agit de la fonction du langage (la représentation de mot) qui permet de ramener les traces mnésiques à la Pc-Cs. Au modèle du bloc magique manquait l’inscription de cette instance Pcs qu’on pourrait éventuellement ajouter au schéma de Freud (c’est d’ailleurs pour cette raison que le bloc magique ne pouvait pas rappeler les souvenirs).

On peut se demander à cet égard s’il ne faudrait pas rapprocher la fonction du Préconscient ou du langage de celle du moteur de recherche ; les mots associés permettent de retrouver les traces des choses.

Il est aussi intéressant de constater que Freud mentionne le « homoncule cérébral », dont je donne le fameux dessin de Wilder Penfield :

Le moi est avant tout un moi corporel, il n’est pas seulement un être de surface, mais lui même la projection d’une surface. Si on cherche une analogie anatomique pour cela, le mieux est de l’identifier avec l’ « homoncule cérébral » des anatomistes, qui se tient sur la tête dans le cortex, tend les talons vers le haut, regarde vers l’arrière et, comme on sait, porte la zone du langage à gauche. (p.270)

De la Perception à la motilité en passant par le langage, les fonctions sensorielles, mémorielles et langagières, sont ainsi modélisées sur la surface corticale comme lieu de projection du corps propre.

   La place du Surmoi n’est pas marquée dans ce dessin. Or dans la variante évoluée de la deuxième topique dans Nouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse (Neue Folge der Vorlesungen zur Einführung in die Psychoanalyse, 1933), on la trouve est bien dessinée, alors que la fameuse « calotte auditive » disparaît. 

 Pourquoi cette disparition, et l’apparition du Surmoi à la place de la fonction auditive ?
 On trouve un élément de réponse dans le passage suivant du Moi et le Ca :

 …le sur-moi lui non plus ne peut absolument pas dénier qu’il a sa provenance dans de l’entendu, il est en effet une partie du moi et reste accessible à la conscience à partir de ces représentations de mot(concept, abstractions), mais l’énergie d’investissement est apportée à ces contenus du sur-moi, non pas par la perception auditive, l’enseignement, la lecture, mais par les sources qui sont dans le ça. (pp.296)

De là il faudrait sans doute penser que la Voix s’est fait entendre – téléphoniquement – par la « calotte auditive », mais elle s’est en fait intériorisée subissant les investissements d’énergie du Ca.

Les systèmes Ψ peuvent ainsi se communiquer téléphoniquement depuis le « Circuit de parole » de Saussure, tandis que nos perceptions ne cessent de s’initialiser et nos mémoires s’accumuler cinématographiquement par nos magic ou iPads .


II  L’époque de la Hybrid Reading


La visée analytique freudienne se formulait :  « Wo es war, soll Ich werden » (là où le Ca était, le Moi doit advenir ». Notre situation s’est transformée fondamentalement depuis Freud par notre environnement technologique. Notre appareil psychique est branché sur les machines à quantité d’énergie Q immense. Notre motilité interne est imprégnée flux de diverses excitations. Notre Perception-Conscience est en interface permanente avec donc les interfaces électro-informatique du type iPad. Les barrières de contact et frayages synaptiques de nos systèmes Ψ sont directement en phase avec les pulsations désomais neuronales des machines. C’est la situation de 24/7 décrit pas Jonathan Crery .
C’est justement cette situation que les modèles d’appareils psychiques par Freud permettent de penser, pour que là où c’était, dans cet environnement technologique aussi, notre psyche doit advenir.

Or c’est justement à partir de cette relecture de Freud que nous tentons de développer notre propos sur la lecture hybride et par là soulever la question de la « vérité » du numérique.

La topique freudienne nous invitait à interroger comment notre environnement technologique grammatise notre âme. Qu’un iPad devienne notre prothèse d’âme traduit cette situation de symbiose de l’homme-machine, nous somme tous hommes à l’iPad.

Or que devient cette interface d’âme-corps,  Où va se coucher notre homoncule, si cet homoncule est branché sur le livre électronique ? Qu’en est-il du livre et de la « vérité » quand le livre est lu à partir de cette interface ? Ca sera le deuxième développement de mon propos d’aujourd’hui.

Je disait au début :  Que le livre se numérise, signifie beaucoup plus que n’importe quelle numérisation des outils analogiques ».
Que le livre se déconstruise numériquement entraîne la mise en crise de la « vérité », mais cette crise est intéressante. Car que la numérisation du livre ou plutôt sa mise en réseaux soit autre chose que n’importe quelle numérisation veut dire deux choses : 1) le livre est traité comme données numériques comme coulée de texte et d’hypertexte ; 2) on a enfin le livre qui soit connecté avec les autres flux d’informations et qu’il ait enfin possibilité de les lire et les écrire à sa manière à lui, le livre.
Le livre est une chose trop importante pour le laisser aux seules mains de spécialistes de natural language processing. Il y a toute une séries de questions d’ éditorialisation.
Il s’agira d’opérer cette déconstruction avec beaucoup de soins. Et cette situation du livre, je l’appelle hybrid reading, lecture hybride.


2 Hybrid Reading

   
    D’abord qu’est-ce que la Hybrid Reading ?  C’est tout bonnement la pratique de lecture qui est en train de s’installer dans notre monde à cheval entre le livre physique en papier et le livre électronique : c’est ce qui se banalise, mais dont on ne sait pas encore très bien les enjeux cognitifs et les transformations épistémologique qui en découleront.

    J’ai défini dans un texte récent la Hybrid Reading comme une activité – transformatrice --  de lecture qui a lieu à l’époque de la technologie numérique, époque qui redouble l’activité de lecture qui s’était installée il y a très longtemps avec l’invention du livre, voire avec l’invention de l’écriture. Hybrid Reading c’est en ce sens un nouveau tournant grammatologique.

    La Hybrid Reading n’est pas à mon sens simplement une lecture dans les milieux de coexistence de différents média de lecture, mais lecture de transformation et/ou transformation de lecture qui s’opère à l’époque de la numérisation et qui par là même nous incite à réinterroger l’activité en générale de lecture/écriture dans tous ses états y compris les strates historiques profondes de la pratique de lecture et de l’écriture (question de l’archive numérique).

HR. Condition épistémologique et technologique

    Aujourd’hui, la connaissance de l’écriture/lecture n’est pas simplement littéraire. Ou plutôt les conditions épistémologiques de l’écriture/lecture sont en train d’échapper aux humanités dans leur acception traditionnelle.
    Dans le domaine de recherches neuro-cognitives, il y a tellement d’acquis scientifiques passionnants qui renouvellent la compréhension du reading brain : ex. Stanislas Dehaene Reading in the brain, Mayranne Wolf Proust and the Squid. Les études de Changizi-Shimojô, ont démontré que nous écrivons la même écriture sous apparence de centaines de sortes de système d’écriture. Les traits distinctifs spatiaux qu’on trouve dans la nature sont utilisés pour former les traits graphémiques ; tous les caractères sont composés de traits – gestuels – dont le nombre ne dépasse pas généralement trois (three srokes) . L’aire cérébrale qui traitait les repères spatiaux distinctifs est recyclée pour traiter les traits d’écriture. C’est, comme on le sait, l’hypothèse de « recyclage neuronal » par S. Dehaene. Le reading brain s’acquiert épi-philogénétiquement par l’apprentissage et l’éducation : cette épi-philogenèse du cerveau lisant est une formation lettrée de l’homme comme homo lector.
   Or cette genèse synaptique de l’homo lector est en crise avec la révolution technologique depuis deux siècles.
  Notre milieu pour l’écriture/lecture se transforme radicalement avec la révolution des média, révolution analogique et numérique.
  Aujourd’hui notre reading brain est branché sur les machines. Les traces de lectures sont captées. Notre lecture se trouve connectée aux réseaux de lectures, aux réseaux de connaissances. Notre lecture devient de plus en plus hypertextuelle, de plus en plus multimodale -- hypermédia --. La lecture était depuis longtemps devenue un acte individuel fermé à soi-même, formateur d’intériorité de l’homme typographique de McLuhan. Aujourd’hui cette activité devient quasi-visible et systématiquement captable.
  Cette nouvelle condition technologique cependant ne rend pas caducs les livres en papier : les études par exemple de Changizi-Shimojô montrent que la lecture est fondamentalement une activité cognitive spatiale. Depuis que l’homme lit, il a quatre yeux. Ce dont témoigne le portrait de Can Jie ,  inventeur mythique  -- un équivalent de Thot raconté dans Platon -- des caractères chinois : une paire pour lire la nature, l’autre paire pour lire les lettres qu’il invente.
   Le livre codex en papier avec ces trois dimensions restera encore longtemps un « instrument spirituel », milieu primordial de la mémoire et de la pensée pour l’homme qui lit et qui pense.

Le retour à Freud que nous venons d’esquisser nous permet de saisir un enjeu véritable de la transformation de l’écriture-lecture qui est en train de s’opérer et la problématique de la « vérité » du numérique.

« Tout dans le monde existe pour aboutir à un livre », disait Mallarmé. Ceci était une formulation de la question de la « vérité » dans le contexte de la « Fin du Livre » de la fin du XIXème siècle. L’augmentation de l’entropie à l’ère de l’informatisation analogique -- l’ère de la Presse relayés aux réseaux télégraphique et téléphonique, Mallarmé l’appela question de « hasard » : le Livre tente d’abolir le hasard dans sa construction  « architechturale et préméditée », ce que McLuhan avait souligné dans son « Joyce Mallarmé and the Press » texte de 1954, article qui prélude à sa Galaxie Gutenberg : la Presse et l’information comme augmentation de l’entropie  d’une part  et  le Livre comme élément de néguentropie d’autre part. Jean Hyppolyte a analysé le coup de dés mallarméen, en le situant par rapport à l’encyclopédie de Hegel,  en ces termes de la question de l’entropie dans son article  « Le coup de dés et le message ».

Le « livre, instrument spirituel », disait Mallarmé,  est lu, aujourd’hui, à travers l’interface numérique. Dans une telle situation, nous sommes placés devant une alternative. Ou bien le numérique décompose l’architecture du livre en augmentant l’entropique ? : un E Pub est entrain de diluer l’architecture du livre dans la culée de texte et d’hypertexte.  Ou bien faudra-t-il tenter d’ « abolir le hasard » pour constituer un milieu idéal pour la hybrid reading ?  Ce milieu idéal pour la lecture à venir, nous l’appelons « Augmented Reading ». Le Livre augmenté peut devenir un lieu de promesse -- pour la transindividuation -- non seulement de tous les livres comme le rêvait Mallarmé (« Le Livre, persuadé qu’il n’y en a qu’un, chacun l’a tenté à son insu, même les génies » écrivait-il) mais de tous les média, y compris les média d’image et de son. Si l’homme lisant procédait par le recyclage neuronal à l’adoption des signes de nature pour signes d’écriture-lecture, l’homme lisant d’aujourd’hui – un nouveau homme de lettres ? – ne doit-il pas procéder au média-recycling (recyclage des média) en annotant les objets temporels, en fléchissant les flux d’images et de sons dans les circuits de connaissance ; en recatégorisant les grilles de critiques.

Nous ne sommes pas encore totalement conscient de l’enjeu de  

C’est évidemment pour cette deuxième voie que nous optons en essayant de constituer l’environnement augmenté de la lecture que nous appelons « Augmented Reading ».  



6. Implémentation

    Nous menons à l’université un projet de nouvelle bibliothèque dont l’un des principaux objectifs est d’implémenter une bibliothèque hybride pour la lecture hybride au sens où nous venons de la définir. Je ne vais pas me développer sur les détails de la construction et des outils.
    Simplement pour l’illustrer, prenons un exemple.
  
Notre idée consiste à faire de ce type de terminal une interface d’ « écriture/lecture » pour annoter les livres, enregistrer les traces de lectures, pour se connecter aux réseaux de connaissances, de visualiser les stratifications de lectures, etc. Ce genre d’interface contribuera à nouveaux types de lectures : lecture assistée, lecture contributive, lecture multimodale et hypermédia, lecture raisonnée, etc.
    Alors s’engagera un nouveau type de lecture profonde, s’organisera un noveau type de hyper reading, s’installera un nouveau milieu pour augmented reading. Se réorganisera une nouvelle psychée par augmented « écriture/lecture » : cet outil deviendra un véritable « appareil psychique » noétique) de « trans-individuation » dirait Bernard -- pour réorganiser les humanités.
    C’est seulement alors que on pourra enfin espérer sauver les sciences humaines de leur crise fondamentale dans lesquelles elles ont plongé depuis plus d’un siècle, c’est-à-dire depuis l’époque où Freud commençait à ré-appareiller la psychée humaine et Saussure à redéfinir la « science générale » qui permettra de situer les sciences de l’esprit du 20ème siècle.
   



2014年11月10日月曜日

「溶解するメディア公共圏と『朝日新聞』問題」『世界』2014年11月No.862, pp.114-121



1「理性の危機」
 ドイツのフランクフルト学派の泰斗テオドール・アドルノとマックス・ホルクハイマーは、ナチスの台頭で亡命したアメリカ合衆国での映画、ラジオ、そしてのちのテレビなどの文化産業の発達を目の当たりにして、メディア社会批判の古典『啓蒙の弁証法』(一九四七年)を著した。十八世紀の「公共圏」が生み出した「啓蒙」は、二十世紀には大衆社会のメディアによる「大衆欺瞞」に転化する。近代の理性を生み出したジャーナリズムの公共圏が、メディア産業社会の広報活動に頽落していく過程をペシミスティックに描き出したのだった。
 大新聞やテレビ放送局や娯楽産業が人々の生活様式を決定していく私たちのメディア社会のジャーナリズム的理性は、確かに、啓蒙と大衆欺瞞との間の危ういバランスのうえに成り立ってきた。真理追求の仕事でもあり、産業経済活動でもある、近代以降のメディア公共圏は、いま再び大きな転換期を迎えているように思われる。それは、現在の世界情勢とも相まって、二十世紀前半が経験した巨大な危機にも比すべき大きな転機をもたらしかねない。漠然とであれ人々が、いまや平和は自明ではなく、ややもとすると世界が理性を次第に失い、戦争に近づきつつあるのではないか、と不安に感じ始めていることには、確かな理由があるのかもしれない。

 本年八月に朝日新聞が行った「従軍慰安婦を考える」特集、また同紙が同じく本年五月に特ダネとして報じた福島原発事故「吉田調書」報道に関して、この一か月ほどの間に起こってきた一連の出来事は、この国のジャーナリズムの危機を際立たせている。
 すでに本稿を読む読者には既知の出来事であろうから、事実経緯についての詳細は省く。正確な検証は今後に待ちたいが、この一連の出来事は、将来、歴史のターニング・ポイントとなったと、記憶されることになる可能性さえあると思われる。
 現時点で判明した事実についての筆者の評価をまず述べておけば次のようになる。
 朝日新聞の従軍慰安婦報道の「吉田証言」取り消しは遅きに失し、同紙が九七年に従軍慰安婦問題で特集を組んだときに検証を徹底して記事を明示的に取り消す措置をとっていれば、今日なほどの信頼失墜に追い込まれることはなかっただろう。
 福島原発事故「吉田調書」のスクープに関しては、掲載の発言内容と見出しとの齟齬は五月から疑問を抱かせる部分であったし、すぐに精査点検し訂正すべきであった。この二つの報道に関しては今後検証が進められていくのだろうから、今後を見守りたい。
 その後のコラムニストの掲載拒否などは論外の失態であるし、「謝罪」云々に関するドタバタは、情報を小出しにする、後手に回る、対応がブレる、など、一企業としてのリスク管理としてまったく落第ものだった。
 私企業のコミュニケーションが社会に一般化した現在のメディア社会においては、事の詳細を正確に述べるという事実確認的コミュニケーションだけでなく、誠実さを示し、責任を果たし、謝罪をするといった、行為遂行的なコミュニケーションが何よりも重視される。こうしたメディア状況下のリスクを最大限回避して、信頼の毀損を防ぐリスクマネージメントのノウハウを実業界が貯えてきたのに対し、メディア産業である新聞社の対応のまずさが、浮き彫りになったのは皮肉である。
 そこから噴出してきた数々の問題群については、個別、朝日新聞社の問題を超えて、現在のメディア社会のはらむ危機の兆候として、私たちは重大な関心を払い、市民社会は十分にメディア界の動きを監視する必要がある。
 「従軍慰安婦」問題は、この国の戦争責任、歴史の記憶、女性の人権侵害に関わる、もっとも論争的な事案であり、いま猖獗をきわめつつあるナショナリズム、東アジア隣国との和解をめぐる、主たる火薬的論争点として位置付いている。今回の出来事は、この問題をめぐる、異国内国際世論の布置、各国政治関係、イデオロギー的な力関係に影響を及ぼさずにはいない。
 福島原発事故の分析と責任追及の問題は、この国のエネルギー政策、さらには三・一一以後のこの国の選択について、これまた大きな論争点を構成しきている。現在の政府が原発の再稼働に向けて着々と準備を進め、一部メディアが、世論的動向を誘導しようとしているとき、「プロメテウスの罠」など原発事故についての報道を重ねてきた報道機関の今回の躓きは、これまた、重要な転機をもたらしかねない。「吉田調書」の入手と報道は、福島原発事故の解明のための画期的なスクープであったのであり、その記事の取り消しは、事故の真相解明から目をそらさせ、世論動向を逆転させる効果をもつともいえるのである。
 期せずして、時を経ず問題化した、今回の「誤報」問題は、この国の過去および未来をめぐる、イデオロギー的、政治的な係争点に大きな影響を与えずにはおかないのである。
 戦時における性暴力というこの国の過去と、原子力過酷事故とエネルギー政策という未来にかかわる重要案件において、この国の「日本の最も代表的なリベラル紙」(NewYork Times 2014.9.11)、「中道左派紙」(Le Monde 2014.9.12)が未曾有の危機に陥ることは、一新聞社の不祥事や信用喪失、あるいは経営的危機を超えて、我が国の政治と社会世論の全般に影響を与えずにはいない。
 二十世紀末以後のネットの発達によるメディア基盤の変質、マスメディアの脆弱化によって、世界のメディア状況は不安定化している。こうした状況に、現下の猖獗をきわめるナショナリズムやポピュリズムの動向が加わり、歴史の記憶をめぐる修正主義や否定主義が増幅されるとすれば、市民社会の「理性」の均衡が揺らぐことになる。
2 漂流する「ジャーナリズム場」
 一世紀前に起こった、映画、レコード、電話、ラジオ(その後はテレビ)のアナログ・メディアの革命による情報秩序の大変化が、ファシズムやナチズムを生み出したのと同じような危険が今の世界には伏在している。
 永らく民主主義国の「ジャーナリズム場」は、「クオリティー・ペーパー」と呼ばれる高級紙(米ニューヨーク・タイムズや仏ル・モンドなど)を準拠軸に構造化されてきた(ここで「ジャーナリズム場」というのは、社会学の概念で、社会文化領域を構成する価値序列と自律的規則の社会システムのことである)。
 部数的には必ずしも巨大でなくとも、情報の信頼性が高いと評価され、ジャーナリズムの理念を体現するそうした日刊紙が中心の位置を占め、それを大衆紙や週刊誌などが取り囲むような構造である。
 私たちの国の活字ジャーナリズム場もまた、基本的には古典的なモデルに似た構造をもち、全国紙、地方紙、スポーツ芸能(タブロイド)紙といった、週刊誌等々という編成をもっている。
 全国紙に関して、特徴的なのは、宅配制度によって囲いこまれた巨大な読者人口を持ち、その巨大部数に比して、決して安いとは言えない価格設定、紙面数に対して大量な広告を掲載し、伝統的には記者による匿名記事が多く、事実報道中心の短い記事から成り立っていることなどである。
高級紙と呼ぶには、やや物足りない内容だが、その分、巨大な講読層を抱え、分厚い読者大衆のリテラシーを担ってきたといえるだろう。新聞各社は、さらに、系列化されたテレビ局とも結び付き、巨大なメディア・コンツェルンが出来上がっている。
 こうしたメディアの世界は、あらゆる社会場の必然で、価値序列(この場合は、経済的、および文化的)の首位を占めようとする競争により、究極的には、場の二元的な結晶化に辿り着く。
 ジャーナリズム場は、政治場との「逆立関係」によって定義される傾向があるから、(ジャーナリズムは、権力にチェックをかけ、権力から情報を引き出し、開示させ、有益な情報を社会にもたらすことによって、価値を主張できる)、中心には、政治権力に対して、適度で批判的であり、穏健的に理想主義的な距離をもつ、リベラル・中道左派な価値観を基本とする傾向が生まれる。それに対して、より現実主義的で、やはり穏健に保守的で、政治権力と近い距離をとる現実主義の中道保守的な傾向により退行軸が構成されるようになる。さらに、そのサブに第二グループが構造化されて配置される。
 我が国の新聞もそのような布置を繰り返して更新してきた。現在の全国紙市場では、朝日対読売、その下に毎日・東京(中日)対 産経、経済紙として日経、という構造化、日刊紙場に従属する週刊誌場においても、新潮対文春、現代対ポストなどなど、基本構造は同じだろう。
 ジャーナリズム場の存立は、その価値の自律によって成り立っている。権力場からの自立、経済場からの自立、および他の文化領域からの自立である。そこにジャーナリズムの規則 ――公開性と言論の自由―― が成立する。ところが、近年ではこのジャーナリズム場の自律はかつてなく危うくなっている。インターネットとソーシャルメディアの急速な発達により、「情報はタダ」の時代となりジャーナリズムは経済的に成り立ちにくい。さらに公権力や私企業も独自の広報コミュニケーションを進化させ、マスメディアの情報経路の独占が崩れている。
 今回の「朝日問題」は、このジャーナリズム場の準拠点を占めてきた中心紙の信頼が揺らいでいるのだから、ジャーナリズム全体の基本構図に動揺が起こっても不思議ではない。じっさい、競争相手のY紙は、市場獲得競争を仕掛け、朝日の問題記事を別刷りで配布して読者を乗り換えさせる販売合戦を仕掛けたりしていると聞く。保守イデオロギーに依拠するS紙は、ここぞとばかりに、従軍慰安婦問題に対する否定派の論調を強めている。
 週刊誌場はさらに扇情的で、『新潮』『文春』以下、目を覆うようなえげつない「朝日」批判の見出しを並べて「下克上」の観を呈している。露骨に攻撃している当の相手の新聞に自誌の広告を載せようとは一見矛盾した行動だが、それこそが、主要日刊紙と週刊誌とが取り持つ寄生の関係である。巨人の肩に小うるさく毒づく小人が載っているようなものである。
 どの世界でもエスタブリッシュメントに対する反発の捌け口は求められ、ルサンチマンのためのメディアは、ジャーナリズム場の「必要制度」であるとさえいえる。こうした光景も、大小メディアの依存関係を考えれば、眉をひそめることはないのかもしれない。
 しかし、それだけだろうか。 
 こうしたセンセーショナリズムの蜂起は、ジャーナリズム的な理性の全般的な「脱-昇華」化へとメディア界全体を向かわせているのではないか。現下の雑誌や出版における「反知性主義」の氾濫がそれを示している。最近の週刊誌の見出しに踊る、「売国」や「国賊」呼ばわり、「反中・嫌韓」ブーム、こうした、従来の政治的自己規制の一線を越えるような攻撃性の競り上げ現象は、社会の理性の機関としてのメディア全体への信頼を引き下げることにつながるのではないのだろうか。
 こうした傾向は、全国メディアにとくに顕著であり、地方紙がむしろ冷静な距離をとっていることと対照的である。
3 情動化するメディア空間
 ますます液状化していくように見えるジャーナリズム場の危機の根底にはマスメディア界全体の危機がある。トップダウン型コミュニケーションによる「マスメディア」というメディア文化全体が、ボトムアップ型コミュニケーションのネット(ソーシャル・メディア)によって徐々に呑み込まれようとしている、二十世紀末からのネット時代の大がかりなメディア変動が根底にはある。
 じっさい二十世紀の半ば以降、テレビ時代に大新聞単位の系列化によって適応した日本のマスメディア産業は、いま大きな危機に陥っている。新聞は部数を減らしつづけ、総合週刊誌もまた部数を激減させ、団塊の世代の退場とともに退潮著しい。(地下鉄でスポーツ芸能紙や週刊誌を読むおじさんたちを最近は見かけなくなった、乗客は、ひたすらスマホとにらめっこしている)。私たちは、マスメディアの時代の末期に位置していると考えるべきなのである。
 この国のメディアは視聴者・読者の視角をナショナルな閉域に制約して世界を見えなくする傾向を持つことを「メディア・ウオール」と呼んだことがある。じっさい、テレビのバラエティー化は、「話題消費」によって、人々を「近視眼」化し、「歴史」と「世界」を見えなくしてしまう効果をもたらしてきた。とくに私たちの国の標準メディアは、人々の注意をドメスティックな情報空間のなかに閉塞させる傾向をもつといえる。
 インターネットの発達とソーシャルメディアは、技術基盤としては、こうしたマスメディアのメディア・ウオールを乗り越える可能性をもたらしたはずである。いまでは一人一人が端末をもち相互につながっている。ツイッターやフェイスブック、ブログ、だれもが世界のどこからも情報を発信することができるという画期的な時代になった。ひとびとは、トップダウンのマスメディアのコミュニケーションに対して、ボトムアップの対抗回路を持つようになったと思われた。じっさい、それによって可能になったのが、「オバマ旋風」や「ジャスミン革命」のような市民革命だったといえる。たしかに、「ブログ圏」のような新たな公共圏がネットのなかに発達して、正確な情報を提供したり、有効な論議を興すことに貢献してきている。我が国でも、とくに、東日本大震災、そして、3/11以後の原発事故や放射能についての情報などで、ネットはマスメディアをしのぐ力を発揮したことは記憶に新しい。
 だが、他方で、ネットやソーシャル・メディアには、負の側面も多くある。誰でもがどこからも発信でき、無数の人々が相互に結びついたネットワークは、二次的、三次的な情報の伝達量が飛躍的に増大することを意味している。伝聞が巨大な渦になり、他人から送られた情報を、増幅して返す共鳴箱の役割を果たす。
 メッセージは断片化して、ツイッターでの「呟き」は「内言」に近くなる。人々が仲間内でつぶやいていた言葉や内部に秘めていた言葉の切れ端が他者とのコミュニケーションへ流入するようになった。知りたいことだけを知ろうとし仲間内で増幅されるコミュニケーションでは、つながっているという「実感」のみが重要視され、即座に感応し合う、巨大な「感染型」コミュニケーションが生み出されている。
 そこでは、「ブログ炎上」のような現象、「2ちゃんねる」のような集団的分極化、日本では「ネット右翼」と呼ばれるような「ヘイト・グループ」のネット・ポピュリズムを生み出してきた。ネットには、情報空間を歪め、理性的な議論する公共圏の成立を脅かす傾向もまた顕著なのである。
 ネット空間では、膨大な情報が流れていながら、人々の意識は非線形的に離合集散を急速に繰り返し、熱狂と失望が短期的に錯綜する非連続なコミュニケーション空間が一般化していくのである。 二十世紀の前半にマスメディアが登場させた大衆とは異なるタイプの新しい大衆が登場している。リアルタイムの結び付きが、コミュニケーションのメディア空間を「情動化」へと向かわせ、おなじルートを均質に流れる情報ではなく。不均質で非連続な盛り上がりと終局を繰り返す情動的コミュニケーションが結節し、変動を繰り返すようになるのである。
 現在のグローバル化した世界では、あらゆる地域・階層に不満が鬱積し、ストレスやフラストレーションが溜まっている。ネットはボトムアップのメディアである分、よりいっそう社会的なルサンチマンを吸収して、草の根ファッシズムの温床ともなりうると考えるべきである。
 4 「退行」する政治
 我が国の政治状況もまたこのような時代のメディア変容と緊密に共鳴し合っている。
 かつては、はるかに後進国であった中国が大国となり、GDPの経済規模でも追い越され、韓国とはテクノロジー産業競争や文化戦略で競り合い、それらの国とは、地政学的な歴史的係争としての領土問題も浮上するというなかで、「失われた二十年」を経てきた、国民の自尊心には、フラストレーションがたまっている。その捌け口が、現在猖獗をきわめるナショナリズムであり、じつに嘆かわしい表現が、週刊誌や出版広告に踊る「嫌中・嫌韓」の見出しである。
 しかも、リーマンショックや3/11を経験した現在の世界は、人心安定からはほど遠いカタストロフィー後の世界である。我が国では、「政権交代の失敗」以後、ますますオールタナティブの見えない、希望のない社会へと進んでいるようにみえる。我が国にかぎらず、世界の多くの国で、処方箋なき世界における政治不信、これまでにない極右や非伝統右派の台頭現象が見られる。とくに若者たちに希望がない。グローバル資本主義の進行による。雇用の不正規化により生活は不安定であり、老齢化する社会では、かつての安定雇用に守られた定職者や年金生活者は保護された特権階級に見える。 
 未来に希望の持てない世の中では、人々は過去に理想の自己像を投影し「退行」する。自分たちこそ今の世界の不条理の被害者であり、現在の寄る辺なさの原因を自分たちの外に、投影して、スケープ・ゴートを求める傾向が生まれる。その外とは、中国であり、韓国であり、在日であり、云々 ・・・あらゆることがら、その口実になる。
 外の世界や将来への不安に動機づけられ、既存のエスタブリッシュメントへのルサンチマンや被害感情に突き動かされた人々に生まれるのが情動の政治 – 気分の政治 -- である。不安やルサンチマン、被害感情は、政治を突き動かす情動エネルギーの源泉となりうる。情動の政治、気分の政治が支配的になる。目下の状況において、時代の気分をつかもうとする政治家にとって、もっとも安定的な心的エネルギーの動員を見込めるテーマは、「ナショナリズム」である。
 最初は、限られたネット内のヘイト・グループのテーマであった排外主義は、実際に町に繰り出すようになる。それらは次第に週刊誌の見出しになり、「反中」本や「嫌韓」本がジャンルとしても定着して、書店の店頭に並べられる。
 「反知性主義」もおなじ情動の政治の基調である。
 ネットやソーシャルメディアをボトムに、その勢いに足場を揺るがせられながら不安な足取りで歩むマスメディア。週刊誌が、そちらの話題へと降りて「ネタ」を掴もうとする。
 現在の右派政権は、このような情動の政治の流れを巧みにつかんで、メディアと世論の誘導技術は、相当に巧妙である。ネットを基盤とする。下からの草の根ファッシズムと呼応できるからである。
 「朝日新聞問題」は、こうした勢力にとって、このうえない僥倖である。戦争をめぐる加害責任に関わる議論を、「虚報」による「一億報道被害」の物語に転換するきっかけが簡単に見つかる。外国からの批判が高まるのは、「内なる敵」(「売国」勢力)が存在するからであって、その最たるものが、「朝日」だ、というストーリーが拡がる。
 原子力行政にかかわる責任追及の報道が、「誤報による誘導」であるとして、反原発の動きにチェックをかけられる。 報道不信や、反知性主義をうまく操作していけば、世論をうまく誘導していくことも不可能ではないと思えてくる。
 「朝日新聞問題」で、新聞ジャーナリズムへの主導権を握ってコントロール可能性を手にいれ、テレビ界に対しては、NHKの経営陣人事に思うような人物を送り込むことが可能となれば、この国の情報体制は、かなり「統制」できる可能性が見えてくる。気分の政治、情動の政治は、じつはそうとうにしたたかな、情報統御の手段を手に入れつつあるように思われるのである。
5 「理性の開かれた行使」とジャーナリズム
 第一次世界大戦百年後の本年、世界情勢はかつてなく不透明であり、世界の不安定化をまえに、私たちは不安な眼差しを将来に向け、歴史は繰り返すのかと自問している。
 じっさい、歴史は反復を始めているようにも見えてきている。一九二九年の世界大恐慌と二〇〇八年のリーマンショック、一九二三年の関東大震災と二〇一一年の三・一一の東日本大震災、世界諸地域に拡がりゆく紛争と戦争、領土紛争・・・。
 メディアの仕事に従事する人々もまた、今、歴史を振り返りつつ、もう一度考えて直してみるべきなのではないだろうか。今日のメディア技術によって、情動や気分が、瞬時にどこにでも伝えられ拡散していく世界は、ジャーナリズムの良識や理性の更新を可能にするだろうか。
 かつて、二十世紀初頭の大衆メディア社会を到来させた映画、ラジオ、レコードのアナログ革命は、大衆操作による、ナチズムやファッシズムをもたらすことになった。メディア革命による「理性の危機」は、一世紀後の、今日のデジタル革命とともに、コミュニケーション文明を発達させるとともに、次の危機として反復する危険はないのか。
 今回の出来事で、「朝日新聞」には、厳格な検証と再発防止が求められるのはもちろんである。しかし、この新聞が現在の状況を前に萎縮し沈黙するなら、デモクラシーの自殺行為である。たとえば、「従軍慰安婦問題」で、現在何を知りうるのか、逆にもっと掘り下げて報道を深化させてみたらどうか。日本の戦後処理や戦争責任についても、もっと系統的に扱ってみたらどうか。原発問題についても同様である。「吉田調書」に語られているような原発事故後の混乱の全体とはどのようなものなのか。他の責任者の証言はどうなのか。いかなる責任体制の不備があの甚大事故を招いたのか。
 一新聞社の問題の次元を超えて、ジャーナリズムに従事する人々には、今こそ自覚が求められ、私たち読者公衆もこの国のメディア状況をいっそう注意深く監視していく必要がある。
 カントは『啓蒙とは何か』(一七八四年)のなかで、「理性の開かれた(=公的(パブリック)な)行使」を説いた。「理性の公的な行使とは、全ての読む公衆を前にした知る人としての自分自身の理性の行使である」、と。現在の状況に照らせば、「知る人=ジャーナリスト」には、「すべての読む公衆(=読者)」を前にした、よりいっそう敢然とした、自分自身の「理性」の行使が求められている。

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